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Interview Louis Alloing


Comment expliquez-vous le succès de La BD en France? Je ne suis pas historien de la BD. Il y a sans doute plein de raisons pour expliquer ça. D'abord le nombre de grands talents francophones, en Belgique en premier lieu, qui sont apparus après guerre, des éditeurs comme Dupuis et Casterman qui avaient très bien compris l'essor de la littérature jeunesse après guerre et sans doute un goût des Français pour la lecture et la curiosité pour des expressions littéraires ou visuelles nouvelles. Une curiosité qu'on ne retrouve pas souvent dans le monde en tout cas en BD. Les Japonais ne lisent que des Mangas, les Américains que des productions américaines, alors qu'en France on trouve la plus grande diversité d'auteurs, de style, de nationalité en BD que nulle part ailleurs.

C’est quoi la ligne claire? Pourquoi utilisez-vous ce style?

La ligne claire a nourri mon en enfance, c'était le style des BD que je lisais dans les journaux Spirou, Tintin et Record. C'était beau, élégant, et servi par de grands dessinateurs (et scénaristes) comme Hergé, Franquin, Jacobs ou Peyo. Ce sont les meilleurs souvenirs de lecture de ma jeunesse. Mais si je l'utilise dans ma vie professionnelle c'est plus par un concours de circonstances que par un vrai désir d'utiliser ce style. Mes premiers éditeurs, comme Bayard Presse, m'ont un peu orienté vers ça car c'est un dessin qui convient bien pour les 6/7 ans et qui est finalement assez sage pour ne traumatiser personne. Personnellement j'aurais plutôt tendance à aller vers un genre plus "agressif" plus réaliste, plus noir. C'est un peu ce vers quoi j'essaye de tendre avec la série que j'ai commencée chez Delcourt "Robert Sax" ( scénariste Rodolphe) même si l'influence ligne claire est encore présente. Vous avez réalisé une BD au sujet de E.P. Jacobs, l’auteur de Blake et Mortimer. Pourquoi? Blake et Mortimer c'était les bouquins de mes grands frères. Il y avait beaucoup de texte et je m'y suis mis plutôt vers l'adolescence. Le coté un peu surannées des histoires, la gestuelle très théâtrale des personnages donnaient à cette série un goût moins moderne que Spirou, Johan et Pirlouit ou même Tintin. Plus tard je me suis intéressé au dessin de Jacobs et j'ai découvert tout son talent, son goût pour l'élégance et la précision de son dessin. Chaque objet était vraiment bien dessiné, ce qui est rare en BD. Sans doute son passé de dessinateur de catalogues y est pour beaucoup. C'est ce stakhanovisme de la précision qui me fascine le plus chez lui. Et puis il était très bon en couleur. Il a d'ailleurs influencé beaucoup de dessinateurs dans ce domaine à commencer par Hergé. Un créateur de bel objet. Quand Rodolphe le scénariste m'a proposé de raconter sa vie en BD j'ai trouvé intéressant d'essayer de mieux comprendre d'où il dessinait. C’est quoi est le 'graphic novel'? Je n'en pense que du bien. J'en ai d'ailleurs fait une "Dans la secte" chez la "Boite à Bulles" qui traitait de la scientologie avec la narration du parcours d'une adepte dans cette secte (en France la Scientologie est considérée comme une secte). Si Dieu me prête vie assez longtemps je serai ravi de traiter un autre sujet dans un format roman graphique et dans un style graphique plus libre. C’est quoi est la différence entre graphic novels et la BD? Franchement? C'est la même chose enveloppée d'une autre manière. Disons que le genre littéraire d'un roman graphique est le plus souvent tourné vers l'intime, l'expérience personnelle de l'auteur. On ne raconte pas une histoire, on se raconte. C'est peut-être ce qui séduit ici en France, toujours persuadés qu'on est d'être exceptionnels. Ce qui est assez vrai au moins en BD.

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